
L’ennui a la vitesse de la lumière
- alice.mry
- 27 mars 2024
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 avr. 2024
Sans téléphone c’est beaucoup de temps disponible tout à coup. Tellement de temps qu’on ne sait quoi en faire. L’ennui de notre enfance réapparaît et laisse place à la créativité. Ce qui m’entoure change soudainement. Je passe du temps à observer la nature, les gens, mes pensées.
Les belles choses deviennent magnifiques, les autres deviennent intéressantes. Je passe du temps à me poser des questions sans avoir un accès immédiat aux informations. La plongée a-t-elle réellement été inventée par des français ? Qu’est ce que le poisson mahi mahi ? Quelle est l’histoire de la colonisation hollandaise en Indonésie ? Je ne le saurai que la semaine prochaine quand j’aurai oublié à quel point il est sans importance de répondre tout de suite aux questions qui surgissent.
Je passe aussi du temps à me demander l'heure qu'il est. C'est la faim, la chaleur, la fatigue qui comptent à la place de l'horloge. Puis je fais taire le bourdonnement de mes pensées et je profite du moment présent. Inspire. Respire. Tout est dans le ressenti.
On dit « Chassez le naturel, il reviendra au galop. » et j’en suis persuadée. Bientôt, j’aurai oublié ces petits détails de la vie. Je reviendrai à mon impatience permanente. Je comblerai l’ennui par quelques coup de pouces sur mon écran de téléphone. Mes croyances seront de retour : que j’ai besoin de répondre à ces messages, que quelqu’un m’attend quelque part, que j’ai un rôle à assumer dans le jeu de la vie sérieuse.
Et c’est pourquoi j’écris à cet ennui retrouvé. Tu m’avais manqué. Tu me rappelle la petite Alice de 6 ans qui demande à sa mère ce qu’elle peut bien faire pour tuer le temps. Tu me rappelles Alice de 16 ans qui n’a hâte de rien car elle a trop peur que le temps passe trop vite et qu’elle soit déjà une adulte bientôt. Tu me rappelles que cette Alice de 26 ans qui voyage et écrit est tout ce qu’elle a de plus précieux et que du temps passée toute seule n’est jamais du temps perdu puisque rien ni personne ne pourra mieux lui accorder de l’importance que moi. Alors oui, j’ai toujours peur que le sable s’écoule trop vite entre mes doigts sans que je n’ai rien accompli mais au moins je l’observe, je le ressens; et l’ennui n’est plus de l’ennui. L’ennui c’est la vie qui ralentit pour nous laisser souffler, c’est des montagnes qui s’écartent un instant pour laisser passer la lumière, c’est un cadeau de la vie pour se rappeler que rien ne compte d’autre que d’être, ici et maintenant. Dorénavant je chérirai l’ennui.
Très joli texte, comme toujours